Le dossier : Zoom sur les mesures patrimoniales de la loi de finances pour 2025
- Alain Azeroual
- 6 avr.
- 8 min de lecture
Après un parcours chaotique, la loi de finances pour 2025 a été promulguée le 14 février 2025. Sous réserve de dispositions contraires, les mesures fiscales contenues dans la loi de finances s'appliquent depuis 15 février 2025.
Au-delà de la réévaluation à hauteur de 1,8 % des tranches du barème de l’impôt sur le revenu, ainsi que des seuils et limites qui lui sont associés, elle contient des mesures fiscales qui, à l’exception d’une évolution importante concernant l’imposition des gains tirés des management packages, étaient déjà annoncées avant la censure du gouvernement de Michel Barnier.
Les mesures les plus marquantes en matière de fiscalité du patrimoine.
MESURES LES PLUS MARQUANTES
Contribution différentielle sur les hauts revenus applicable à certains contribuables
Une Contribution différentielle sur les hauts revenus (CDHR) est susceptible de s’appliquer à certains contribuables sur leurs revenus 2025.
Les contribuables dont le revenu fiscal de référence excède 250 000 € pour un célibataire et 500 000 € pour un couple, seront en 2025, susceptibles d’être redevables de la CDHR si la somme de l’impôt sur le revenu (IR), de la Contribution exceptionnelle sur les hauts revenus (CEHR) et du prélèvement forfaitaire libératoire pesant sur leurs revenus 2025 est inférieure à 20 % de leur revenu fiscal de référence (RFR) réajusté. Pour le calcul de cette nouvelle contribution, le RFR fait, en effet, l’objet de retraitements.
Ainsi, un revenu considéré comme exceptionnel ne sera ainsi pris en compte que pour ¼ de son montant. La notion de revenu exceptionnel au sens de ce nouveau dispositif méritera d’être précisée par l’administration.
L’IR est lui-même majoré de l’avantage en impôt procuré par un grand nombre de réductions et crédits d’impôts afin de ne pas remettre en question l’avantage fiscal à la clef. Il existe aussi un mécanisme de lissage et des majorations pour personne à charge (1 500 € par personne à charge et 12 500 € en cas d’imposition commune).
En pratique, sont visés les contribuables dont les revenus (en particulier les plus-values et/ou les dividendes) sont imposés au titre de l’IR (hors prélèvements sociaux) au prélèvement forfaitaire unique (PFU) de 12,8 % auquel s’ajoute la CEHR (taux maximum de 4 %) : soit un total de 16,8 % au maximum. En effet, les contribuables qui disposent de suffisamment de revenus taxés au barème progressif de l’IR les rendant éligibles à la CEHR acquittent généralement des impôts supérieurs à 20 % de leur RFR et ne sont donc pas concernés.
Prévue sur les seuls revenus 2025, les contribuables devront acquitter, entre le 1er décembre et le 15 décembre 2025, un acompte égal à 95 % du montant de la CDHR qu’ils estimeront au regard de leurs revenus de l’année.
À noter : |
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Actionnariat salarié (Management packages)
La loi de finances pour 2025 vient mettre un terme à une insécurité juridique née d’arrêts du Conseil d’État du 13 juillet 2021 relatifs aux « management packages¹ ».
Cette jurisprudence a eu des répercutions pratiques importantes dans le cadre de la structuration des opérations d’investissement par des personnes physiques au sein de l’entreprise en soulevant des interrogations liées à la qualification salariale (du point de vue fiscal et social) des gains tirés de ces schémas. Le nouveau texte se traduit par une fiscalité potentiellement accrue mais dans une certaine mesure sécurise le traitement des gains.
Le texte pose désormais un principe général : est ainsi imposé comme un salaire le gain réalisé lors de la cession d’actions souscrites ou acquises par des salariés ou des dirigeants ou attribuées à ceux-ci en contrepartie des fonctions de salarié ou de dirigeant.
Par exception et sous conditions, quelle que soit l’origine de l’acquisition ou de la souscription des actions (plan légal ou conventionnel), est désormais susceptible d’être imposée selon le régime des plus-values de valeurs mobilières la fraction du gain dans la limite d’un plafond de performance financière appréciée sur la durée de détention des titres.
Ce calcul est complexe et suppose l’évaluation de la société lors de l’acquisition et lors de la cession. En outre, pour bénéficier de ce régime, les titres doivent présenter un risque de perte de leur valeur d’acquisition ou de souscription (selon la nature des titres, un délai de détention de plus de 2 ans peut également être exigé).
Au-delà de cette fraction, la plus-value est imposée comme un salaire.
L’objet du texte est de distinguer ce qui relève d’un retour normal sur investissement (imposé comme une plus-value) de ce qui s’apparente à une rémunération (imposé comme salaire).
D’un point de vue social, la totalité du gain, y compris la partie imposée comme un salaire, reste exonérée de charges sociales (part employeur et part salariale), ce qui ne fait plus porter aux entreprises le risque relatif aux cotisations en cas de requalification en salaires.
La fraction du gain imposée selon le régime des plus-values est soumise aux contributions sociales (CSG, CRDS, etc.) au taux de 17,2 % (taux global d’imposition égal à 30 % ; 34 % CEHR comprise).
La fraction imposée comme un salaire est soumise à une contribution salariale libératoire au taux de 10 %.
ENTREE EN VIGUEUR
Ces dispositions s’appliquent sans distinction à l’ensemble des opérations de management packages débouclés ou structurés à compter du 15 février 2025. |
Le texte proposé n’a pas fait l'objet de débats parlementaires ni même été examiné par le Conseil constitutionnel. Compte tenu de sa technicité, l'administration fiscale devra apporter des précisions sur l'appréciation de ce nouveau régime. L’articulation de ces nouvelles dispositions avec d’autres mécanismes (régime des gains réalisés au sein d’un PEA pour des titres détenus avant l’entrée en vigueur ; cas de réinvestissement postérieur au 15 février 2025 suite à la cession de titres détenus en PEA …) méritera des précisions.
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1 Outil d’intéressement au capital, principalement en faveur d’hommes clés à raison de leurs qualités opérationnelles et visant à aligner les intérêts économiques de salariés opérationnels, ou des managers, sur ceux des actionnaires. On les retrouve notamment dans le cadre d’opérations de Private Equity, tel qu’un Leverage Buy Out (LBO). Il s’appuie sur des outils légaux (AGA, Stock-options, BSPCE) ou prend une forme conventionnelle (BSA, actions de préférence…).
Bons de souscription de parts de créateurs d’entreprise (BSPCE)
Les BSPCE sont des bons permettant de souscrire à des titres de société à un prix déterminé lors de leur attribution et généralement peu élevé. Ce dispositif est réservé aux sociétés immatriculées depuis moins de 15 ans, remplissant certaines conditions.
La loi de finances pour 2025 aménage leur régime fiscal et limite ainsi l’intérêt de certaines opérations patrimoniales afférentes aux titres issus de l’exercice de ces bons. Jusqu’alors, une fiscalité s’appliquait sur l’ensemble du gain lié aux BSPCE ; dorénavant, la loi introduit une distinction entre :
Le gain d’acquisition (ou gain d’exercice) de nature salariale, égal à la différence entre la valeur des titres souscrits au jour de l’exercice des bons et le prix d’acquisition des titres fixé au jour de l’attribution de ces bons. Ce gain sera taxé au prélèvement forfaitaire unique (PFU) à 12,8 % si le bénéficiaire exerce ses fonctions dans la société depuis plus de 3 ans ou, sur option, au barème progressif de l’IR des traitements et salaires. S’il exerce son activité depuis moins de 3 ans, le gain sera taxé à un taux forfaitaire de 30 %.
Le gain de cession de nature patrimoniale égal à la différence entre le prix de cession des titres souscrits en exercice des BSPCE et la valeur des titres souscrits au jour de l’exercice des bons. Il sera taxé au PFU (12,8 %) ou sur option globale, au barème progressif de l’IR.
Pour ces deux gains, s’ajoutent les prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine de 17,2 %.
Cette nouvelle qualification, qui dans la plupart des cas, ne modifie pas l’impact fiscal sur le gain global, emporte toutefois des conséquences fiscales en cas d’opérations patrimoniales sur les actions issues des bons. Par exemple : en cas d’apport des actions issues de BSPCE à une société contrôlée à l’IS, la nature salariale du gain d’acquisition le prive du report et rend la taxation exigible au moment de l’apport.
De plus, la loi de finances pour 2025 interdit l’inscription sur un PEA des droits de souscription et d’attribution et des titres souscrits en exercice de ceux-ci à compter du 10 octobre 2024. Cela concerne, notamment, les actions acquises à la suite de l’exercice de BSPCE. Cependant, la loi introduit des dispositions transitoires pour les droits ou bons de souscription ou d’attribution souscrits antérieurement au 10 octobre 2024.
Dons de sommes d'argent affectées à l'acquisition de la résidence principale ou à certains travaux
Une nouvelle mesure permet, sous conditions, d’exonérer de droits certains dons de sommes d’argent consentis dans le cadre familial (à un enfant, petits-enfants, arrière-petits-enfants ou à défaut, neveu ou nièce). Ces sommes doivent être affectées par le donataire, au plus tard le dernier jour du sixième mois suivant la donation, à l’acquisition d’un immeuble acquis neuf ou en état futur d’achèvement utilisé comme résidence principale ou à certains travaux de rénovation énergétique effectués dans son habitation principale (sauf lorsque les dépenses ont déjà permis au donataire de bénéficier de certains avantages fiscaux).
Cette mesure s’applique aux donations de sommes d’argent dans la double limite de 100 000 € par un même donateur à un même donataire et de 300 000 € par donataire effectuées entre le 15 février 2025 et le 31 décembre 2026.
Le bénéfice de l’exonération est subordonné à un engagement de conservation de la résidence principale ou de location du logement à usage d’habitation (hors location intrafamiliale) pour une durée de cinq ans à compter de la date d’acquisition de l’immeuble ou de son achèvement (si postérieur) ou de la date d’achèvement des travaux.
Prorogation de l’abattement de 500 000 € du dirigeant partant à la retraite
Lorsqu’un dirigeant de PME vend ses titres de sociétés afin de partir à la retraite, il peut, sous conditions, bénéficier d’un abattement fixe de 500 000 € sur la plus-value de cession. Ce dispositif, qui devait prendre fin au 31 décembre 2024, est finalement prolongé jusqu’au 31 décembre 2031.
Location meublée non professionnelle (LMNP) et cession de l’immeuble
La loi de finances supprime un avantage fiscal en faveur du régime de location meublée non professionnelle (LMNP) en prévoyant désormais que les amortissements déduits pendant la période de location d'un bien sont pris en compte lors de sa cession pour le calcul de la plus-value immobilière afférente.
Concrètement, les amortissements admis en déduction pendant la période de détention seront déduits du prix de revient de l’immeuble lors du calcul de la plus-value, qui sera ainsi majorée.
En pratique, les amortissements, qui auront réduit les revenus locatifs imposables au taux progressif, augmenteront l’assiette de la plus-value soumise à l’impôt sur le revenu au taux proportionnel de 19 % (hors éventuelle surtaxe). En revanche, la loi de finances ne remet pas en cause l’application de l’abattement pour durée de détention pour le calcul de la plus-value immobilière (la plus-value reste exonérée d’IR après 22 ans de détention et de prélèvements sociaux après 30 ans de détention).
Certains biens ne sont pas concernés par cette mesure tels que les résidences étudiantes et pour jeunes actifs ; établissements médico-sociaux pour personnes âgées ou handicapées ; établissements délivrant des soins de longue durée ou aux établissements d’hébergement pour les personnes âgées (EHPAD)…
ENTREE EN VIGUEUR
La réforme s’appliquera aux cessions réalisées à compter du 15 février 2025 visant donc ainsi notamment les amortissements déduits jusqu’à présent. |
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